samedi 24 janvier 2009

Cors de basset français et clarinettes altos en Fa

Le cor de basset n'a jamais été en France un instrument populaire comme cela a pu être le cas en Allemagne et en Bohême. Bien qu'introduit à la fin du XVIIIe siècle, on ne le trouve que rarement à l'Opéra de Paris et dans les concerts publics.


Les trois seuls instruments français encore conservés de nos jours sont tous de forme courbe comme les premiers instruments des Mayrhofer de Passau qui passent pour être les inventeurs de cet instrument. Ils sont tous trois conservés au Musée de la Musique à Paris.


Notons que Michel AMLINGUE, facteur parisien originaire de Trêves en Allemagne, et BÜHNER & KELLER, strasbourgeois, étaient plus soumis à l'influence germanique que Dominique Porthaux, le troisième facteur connu de cors de basset, natif lui d'Antony près de Paris. Selon le musicologue Jean Jeltsch, l'instrument basse cité en 1775 comme invention de Gilles Lot a pu être aussi une sorte de cor de basset.


Les cors de basset sont identifiables par leur ravalement, sorte de prolongation du tube vers le bas pour descendre en général une tierce majeur en dessous de la clarinette, avec ajouts de clefs au pouce.


Cette prolongation est généralement obtenue par une protubérance appelée boîte dans laquelle le tube forme un esse.


Bien que les premiers cors de basset soient accordés en La et en Sol, la tonalité qui s'imposera à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle sera celle de FA et la forme celle anglée avec un coude entre les deux corps principaux.
clarinette alto par J.F.Simiot, Lyon, vers 1820 (musée Oxford)

Il faut attendre les développements de la clarinette à 13 clés et de son modèle alto par Iwan Müller en Allemagne avec Grenser puis avec les facteurs parisiens, mais surtout ensuite les inventions de Jean-François Simiot et de l'école de facture lyonnaise pour trouver une véritable clarinette alto de qualité, fiable tant au niveau auditif qu'au niveau facture instrumentale.



signature de Jean-François Simiot en 1814 à Lyon


clarinette alto en FA par la maison Simiot et Brelet à Lyon, vers 1850, proposée en salle des ventes, étude de maître Guy Laurent à Vichy (décembre 2007, cliché DW)

La Revue Musicale
(1828, tome III pp 470-472)



Les premières clarinettes altos en France seront surtout accordées en Fa. L'importance prise par Adolphe Sax et sa réforme des musique militaire dans la deuxième moitié du XIXe imposera progressivement un instrument accordé en Mib, avec la forme moderne de l'instrument et son pavillon en métal recourbé vers le haut pour mieux diffusé les sons.


Cependant, certains instruments continueront à être réalisé en FA dans la deuxième moitié du XIXe siècle. C'est le cas de plusieurs instruments réalisés en France par Buffet-Crampon et en Belgique par Mahillon.


Modèle d'atelier Buffet-Crampon & Cie


en FA "AD" (Fa Ancien Diapason), ca 1870-1880
































marque sur le corps du haut: FA AD (pour Fa Ancien Diapason / F old Pitch)
et le clétage main gauche avec un plateau pour l'annulaire

clétage modifié main gauche
un des huit tampons d'origine sur quinze (clé de registre / register key)


clétage main droite


le mauvais ajustement des têtes de clés sur les trous est un autre élément déterminant cet instrument comme un modèle d'atelier ou prototype.


De gauche à droite (left to right):
Clarinette syst. Boehm en Sib (diapason haut / Bb High Pitch), Buffet-Crampon & Cie, ca 1920
Clarinette alto syst. Boehm en Fa (F), Buffet-Crampon & Cie, ca 1900-1930, sans n° de série (without serial number)
Clarinette alto syst. simple en Fa (F) Buffet-Crampon & Cie, prototype AD (ancien diapason / old Pitch), ca 1870-1880. le pavillon est bien sur un remplacement de présentation (the bell is of course non original).

le bocal et le support de pouce avec anneau
un système utilisé par Buffet-Crampon & Cie de la fin XIXe jusqu'aux années 1920: un ressort plat sous la clé grave de Fa# droit (flat spring under the right low F# key)




Des clarinettes altos seront fabriquées tout au long du XXe siècle sous le nom de "Cor de basset descendant au mi grave (catalogue Selmer, vers 1978).


Elles serviront surtout aux clarinettistes pour jouer les parties de cor de basset du Requiem de Mozart qui ne nécessitent pas l'utilisation des notes les plus graves du véritable cor de basset.
alto klarinette basset horn

dimanche 18 janvier 2009

Clarinettes anglaises 19e siècle (partie 1)


















..gauche à droite (left to right):

- Clarinette en Mib de W. Milhouse, 8 clés carrées, c.1820-30
- Clarinette en Ut de Bilton, 6 clés carrées, c.1826
- Clarinette en Sib de Bilton, 8 clés rondes et plates, c.1830
- Clarinette en Sib de Bilton, 13 clés rondes et plates, c.1840

Caractéristiques des clarinettes anglaises:

Les becs (voir image ci-dessus) sont en général plus courts que ceux joués sur le continent et possède par contre un tenon très long entrant dans le barillet, servant alors de pompe d'accord. Parfois, le tenon est dans la partie supérieure du barillet, la bague d'ivoire étant alors fixée dans la partie inférieure du bec, comme dans le bec de droite (fait par Bilton, facteur, pour W.H.Hayden à Londres, revendeur).

corps du bas:
A: bulbe raccourci en forme de tête d'ogive.
B: clé de fa# grave formant un angle en zig-zag
C: montages des clés sur blocs, y compris les guides de la clé de fa# grave
corps du haut:
D: la traditionnelle 6ème clé anglaise de trille (au lieu de celle de do#/sol# pour les instruments continentaux)
E: les clés du haut sont montées sur blocs et non sur anneaux complets.

F: le bois est évidé en dessous des clés transversales pour éviter le cliquetis

Les trous fermés par des clés sont tous chemisés (brevet Wood de 1800). Cette pratique en France n'est une tradition que dans la facture lyonnaise (Simiot , Sautermeister, Müller, Tabard, ...)

La grande clé de sol# (pour le majeur gauche et non l'index) apparaît sur certains instruments anglais à partir des années 1840. Elle deviendra l'élément le plus typique des instruments du marché anglais jusqu'à la seconde guerre mondiale, que ces instruments aient été construits en Angleterre ou ailleurs (Belgique, France, ...)

Exemple de clés à rouleaux pour les grandes clés de l'index gauche.


La facture des clarinettes en Angleterre sera très typée entre les années 1770 et 1850. Elle marquera aussi fortement la facture américaine dont les instruments pendant la première moitié du XIXe siècle en seront des copies fidèles (stencils).

Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, les principales manufactures continentales (surtout françaises et belges) se développeront et prendront la plus grande part du marché des clarinettes en Angleterre, tout en respectant les caractéristiques propres à la facture anglaise.
L'adoption presque générale du système Boehm marquera dans les années 1940 la fin des modèles "à l'anglaise".

mercredi 31 décembre 2008

Saxophone Lyricon Wind Synthesizer Driver 1978

Wind Synthesizer Driver par la Computone Inc., vers 1978
Le 5 octobre 1971, William A. Bernardi, l'inventeur, assisté de Roger R. Noble, de Norwell dans le Massachusset (USA) déposent un brevet d'invention au nom de leur société, la Computone Inc, de Hanover, dans le même Etat, pour un instrument de musique électronique commandé par le souffle:
"... A wind-actuated electronic musical instrument for play by a musican. The musician uses substantially the same technique as is associated with acoustic wind instruments to vary the range of musical sound and expression produced by the electronic musical instrument. Transducers convert the musician-produced air flow, lip pressure and fingering of the instrument to appropriate electrical signals, which signals control the frequency, harmonic content and harmonic phase of the sound produced by a tone generator." (Abstract of the US Patent 3,767,833).
Ce brevet sera publié le 23 octobre 1973 par l'office américain des brevets: Le premier synthétiseur commandé par le souffle est né, son nom sera le "Lyricon". Deux autres modèles de la marque verront le jour peu de temps après: le Lyricon II et le Wind Synthesizer Driver présenté ici.


L'instrumentiste souffle au moyen d'un bec modifié de clarinette basse, en général un Brilhard 9*. L'anche en roseau repose sur un contacteur qui transmet la pression exercée par la lèvre inférieure sur l'anche.



Un contacteur se trouve sous chaque touche pour transmettre un signal. L'instrument possède deux clés d'octaves prises séparément. Les doigtés, proches de ceux du saxophone, sont les mêmes pour chaque octave, à quelques exceptions près pour le registre le plus grave.



Vue de la main gauche avec un clétage proche de celui du saxophone.









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vue de la main droite avec trois clés pour, de haut en bas, les notes: Ré# de chaque octave, Sib grave et Do grave.


l'instrument peut jouer sur trois octaves. Il est possible d'augmenter cette tessiture en utilisant les commandes se trouvant dans l'étui, avec trois niveaux de base pour les registres, plus de six octaves étant donc techniquement possibles.

L'instrument est dans l'état où le musicien a du le laisser lors de sa dernière prestation: accessoires bien arrimés avec du collant pour les tournées (anches, tournevis), modifications et ajouts de sorties pour différents effets, marquage des niveaux personnalisés.
Dans la valise, les différents paramètres sont contrôlables sur la console du synthétiseur: la hauteur du diapason (choix d'instruments en Sib, Ut, Mib ...) les variations d'intensité et de hauteur relative (pression de la lèvre sur le bec, glissando) la durée du son (souffle, delay, ..). Plusieurs sorties sont possibles permettant de commander d'autres synthétiseurs ou d'autres effets commandés manuellement à partir de la console ou par des pédales d'effets.
Le présent instrument à été fabriqué vers 1978. Il a été utilisé par le saxophoniste américain Richie Canneta pour un seul enregistrement, celui en 1980 du disque Glass Houses de Billy Joel, chanteur et instrumentiste américain de style "pop, rock, fusion"(c'est selon ...!).
Richie Canneta sera le saxophoniste attitré de Billy Joel entre 1975 et 1981. Il sera ensuite remplacé pour ses enregistrements par Mark Rivera, mais il participera par contre aux différentes tournées mondiales du chanteur, utilisant ce même Wind Synthesizer Driver, en plus des saxophones, de la flûte, de la clarinette et des claviers.
Une lettre signée de Billy Joel accompagne l'instrument, précisant que ce dernier a été donné par le chanteur à une association caritative pour être mis aux enchères et qu'il a été utilisé par son groupe pour leurs tournées des années 1990.
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Bien qu'un modèle Lyricon série III soit alors en projet, la société Computone Inc. arrêtera sa production en 1980, victime de la concurrence des premiers synthétiseurs à vent de Yamaha, marque plus grand public et avec une force de vente bien plus importante.
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De nombreux modèles de synthétiseurs à vent verront le jour dans les années 1990. Outre Yamaha, on trouve aussi la marque Casio avec un modèle en forme de petit saxophone alto, mais surtout au niveau professionnel les modèles de la marque Akai avec sa série des EWI, les performances du saxophoniste Michael Bracker sur ce dernier modèle ayant dopé les ventes de façon exponentielle.
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Le brevet du Lyricon, le premier synthétiseur à vent au monde, sera référencé dans plus de 46 prises de brevets américains entre 1973 et 1990.
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Pour en savoir plus:
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le brevet américain (US patent 3767833):
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site spécialisé en anglais: http://www.jorritdijkstra.com/thelyricon.html
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Exemples sonores:
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WIND DRIVER:(4' cultes en Japonais: Hêh, HHaille ...):
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le successeur, AKAI EWI 4000 (demo Jeff Kashiwa)
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Michael Brecker THE BEST ! : (9'13 de plaisir, EWI 3000)

lundi 29 décembre 2008

Clarinette basse LEFÊVRE à Paris, c.1900



La marque "Lefêvre à Paris" existe depuis 1812, date de la création de l'atelier par François LEFÊVRE. Ce facteur est cité en 1819 comme fabricant de flûtes et clarinettes pour la musique particulière du Roi. Il est l'un des premiers à avoir réalisé de façon régulière à Paris dans les années 1820 des clarinettes à 13 clés selon le système d'Iwan Muller. L'atelier sera revendu en 1856 à BIE et NOBLET puis en 1886 à André THIBOUVILLE et finalement la marque appartiendra vers 1905 à THIBOUVILLE-CREUTZER. La fabrication continuera jusqu'au moins 1911.
La clarinette basse est en palissandre recouvert d'un verni brillant avec un clétage en maillechort nickelé. Les doigts recouvrent des plateaux incurvés et très petits par rapport aux proportions actuelles sur de tels instruments. Faisant exception, le majeur de la main gauche recouvre un anneau et non un plateau. Cet instrument en Si bémol est établi selon le système Boehm; sa note la plus grave est un Mi, effet réel Ré.
..bass clar..
la marque apposée sur les corps de l'instrument et sur le pavillon en métal reprend le libellé des premiers instruments de François LEFÊVRE, portant même son monogramme d'origine. Sur le pavillon, seuls manquent les accents. Cette marque est donc restée la même pendant un siècle, quels que soient les propriétaires successifs.
..key..
Dans le registre de clairon, le pouce gauche commande deux clés de registre, une pour les notes jusqu'au Sol et une autre au-delà. Bien que la clé de registre automatique existe depuis la fin du 19e siècle, beaucoup de joueurs de clarinette basse et de saxophone préféraient la double clé. Le prix en était aussi bien inférieur, ceci pouvant expliquer cela.
La photographie de droite nous montre le plateau de l'annulaire gauche (Do/Sol), très petit, et la tête de la clé juste en dessous obstruant un trou disproportionné, obligeant la réalisation d'une clé de Do#/Sol# avec une forme courbe très curieuse.

L'appui sur L1 par l'index gauche ferme non pas un mais deux plateaux superposés et situés en dessous de la touche de la clé de La. Pour le registre aigu, lorsque ce doigt L1 n'est pas appuyé, l'appui sur l'anneau L2 abaisse aussi le plateau inférieur qui est percé d'un petit trou. Ce système original permet de jouer les notes aiguës comme sur la clarinette soprano, sans avoir à glisser l'index gauche.


..clar..
l'appui avec le pouce gauche sur la deuxième clé de registre ou "clé de 12ème" actionne une clé de bocal ayant une touche très oblique, et ce d'origine.
L'anneau pour L2 et le grand trou de jeu de L3 permettent des doigtés de fourche en appuyant seulement L1 et L3 (pas très efficace dans le chalumeau pour le Mib, bien meilleur dans le registre de clairon pour le Sib).

..bass..
Le clétage de la main droite est relativement standard. le plateau de l'annulaire droit commande une clé décalée sur le côté droit de l'instrument. Cette clé est protégée par une garde. L'instrument porte un numéro de série "745" entre deux étoiles et apposé curieusement entre les deux plateaux supérieurs de ce corps et non au dos comme cela se pratique habituellement.